Posté 02 octobre 2003, 20:07
Extrait d'une partie du texte du bouquin que je suis en train de préparer (avec d'autres) sur les Terre-neuvas au éditions du Chasse Marée. (texte déposé). Parution prochaine
Le jour du départ, les bateaux en partance sont fin près, les hommes sont à bord pour la manœuvre de sortie des bassins. Quelques heures avant le plein, les employés du port « sassent » le bassin en ouvrant les vannes afin d’égaliser les niveaux d’eau entre le bassin et l’avant port.
Deux heures pile avant la pleine mer, quatre hommes par treuil, tournent les manivelles jumelées des deux treuils servant à ouvrir les portes du bassin, les chaînes se tendent et les portes s’ouvrent doucement. Un courant s’établit et déjà les marins commencent à déhaler les navires profitant de ce courant qui aide le bateau a s’orienter vers l’avant port. Les passerelles des bassins Bérigny et De Freycinet s’ouvrent pour laisser passer les trois mâts bloquant le long des écluses une foule impressionnante.
Laissons l’abbé Hermel nous décrire la manœuvre ce 16 mars 1899 « Oh hisse !…Oh hisse !….entrecoupée par ces cris, une mélopée primitive quant au mode et indéchiffrable quant au sens, aide à rythmer les mouvements d’une demi-douzaine de matelot hâlant de toute leur forces.
Fixé par une de ces extrémités à un pieu d’amarrage, le filin goudronné s’allonge entre leurs mains par tirées successives et régulières et se love lentement sur le pont. Le Saint Waninge était à quai, les flancs comprimés par trois terre-neuviers de front avec lui, tandis que dans le sens de la longueur, son bout dehors se trouvait engagé dans un gaillard d’arrière. Cet entassement résultant de l’exiguïté du port occasionne d’insurmontable difficultés pour la manœuvre……
Après mille tour de passe-passe, le Saint Waninge, parvenu au milieu du bassin avance majestueusement. Déjà, entre les vantaux de l’écluses, effacés dans les bajoyers, un canot gagne l’avant port pour y frapper l’amarre sur une bouée. Oh hisse !…Oh hisse !, notre terre-neuvier s’y enfile à son tour. Derrière lui, le pont tournant, ouvert pour la circonstance, pivote et bascule de nouveau livrant passage à la foule impatiente, massée à chacune de ces extrémités……. Oh hisse !…Oh hisse !…..hardi ! encore deux ou trois pesées, ….cambrons-nous….. oh !….amène, hisse ! çà y est….somme bien là pour embarquer… »
La manœuvre se fais également en utilisant le cabestan situé sur le gaillard d’avant des voiliers
Les voiliers sortant du bassin Bérigny, viennent s’amarrer le long du grand quai, entre le bout menteux et la passerelle et le long du quai de la Vicomté, si les départs sont nombreux les bateaux s’amarrent à couple.
Après l’ouverture en 1892 du bassin De Freycinet, les navires sortant de ce bassin viennent s’amarrer sur les astracades de l’actuel quai Guy de Maupassant, du quai des pilotes et même sur le bout rond du pont Gayant.
Même si ces départs ont fais la joie des photographes, l’ambiance sur les quais est particulière, un mélange de tristesse, de mélancolie et un pincement au cœur collectif envahi la foule des familles. Les hommes ont le bourdon, les femmes retiennent leurs larmes pour ne pas en rajouter, les enfants, bien souvent, pleurent.
L’agitation sur les quais est impressionnante, les hommes s’agitent, montent, descendent des bords. Les capitaines sont à la fois nerveux et concentrés, bien souvent il ne sont pas à « prendre avec des pincettes ». L’on raconte a Fécamp - lors d’un départ- qu’un capitaine pour mettre fin a une discussion orageuse avec son armateur, fit larguer les amarres et dit a l’armateur « Plus aucun lien nous maintient a la terre, en temps que maître a bord, je vous demande de quitter le navire….. ».
Sur les quais nous raconte l’abbé Hermel, ce n’est qu’un brouhaha de pourparlers, d’ordres de cris, d’interjections bruyantes entre l’armateur le capitaine, le maître de port, les gabelous, l’équipage, les femmes, les parents et les amis. Ce sont des formalités a remplir, l’embarquement du tabac d’exportation, de la poudre, du compas et des produits qui doivent être contrôlés à la dernière heure……..
A bord des navires, les hommes s’affairent à déferler les voiles, les voiles auriques sont parés a être hissé, les focs, clin-focs et trinquettes sont dégagés. Dans la matures les hommes larguent les huniers, ils restent uniquement ferlé par les cargues point, si le vent est favorable, ils sont souvent établis à quai. Lorsque tout est parés, les hommes sautent une nouvelle fois a terre, les femmes font leurs dernières recommandation, l’émotion se trahit par la parole saccadés et la respiration haletante. Certaines craquent quant le « petit », le mousse est appelé a bord. Les mousses restent fiers, parlent peu, engaussés dans leurs vêtements neuf encore un peu raides, ils essayent de ne pas montrer la forte émotion de la partance.
Le pilote monte a bord, quelquefois l’armateur ou des amis de celui-ci embarquent pour une sortie en mer qui se terminera a un ½ mile en face des jetées. Le second fait l’appel, si il manque des hommes, la sirène du remorqueur Bois Rosé est actionné. Certain comme le mentionne l’abbé Hermel, embarquent en titubant, d’autre veulent profiter jusqu’au bout des derniers baisers de leur femme. Les pavillons sont à poste, sur le grand mât le pavillon de l’armement ou un guidon avec le nom du navire, sur l’artimon le pavillon national .
Les ordres sont donnés, « largue derrière », « largue devant », la remorque du remorqueur se tend, le navire décolle du quai. La pilotine qui servira a débarquer le pilote et les invités est maintenu le long du bord. Une fois dégagé du quai les hommes en cadence hissent les voiles, celles-ci sont amurées en fonction du régime des vents.
Dans le chenal, le petit hunier fixe, le petit volant et le petit perroquet, la misaine sont à largué et bordés, dans le même temps, les hommes envoient les voiles d’avant – grand foc, faux foc et petit foc – puis c’est le tour de la grand voile et des voiles d’étais – grand voile d’étais puis la voile de hune, et enfin la voile d’étais de perroquet. La brigantine, ainsi que la pouillousse seront envoyé lorsque navire sera en rade de Fécamp. Le trois mâts goélette établira le reste de sa toile en fonction des conditions météorologique.
La manœuvre est quelque peu différente pour les trois mâts barque ou pour les rares trois mâts carrés. Toujours au milieux du chenal, le grand fixe et le petit fixe sont largués, puis les voiles d’étais sont envoyés – grand voile d’étais puis la voile de hune et la voile d’étais de perroquet entre le mâts de misaine et le grand mât, puis la marquise et le diablotin entre le grand mât et le mât d’artimon. Ensuite les hommes vont larguer la grand voile et la misaine. Ensuite se sera le tour des volants, des voiles de perroquet, de cacatois - de grand mâts et de misaine – et enfin les focs, pratiquement envoyé dans la même foulée, le nombre d’homme important a bord de ces navires permettaient de faire ces manœuvres en simultanées. Les voiles du mât d’artimon seront envoyées en rade.
Sous voile mais toujours remorqué, le voilier prend sa gîte, malgré les manœuvres les hommes prennent le temps de jeter un dernier regard sur les astracades et sur les môles des jetées et ils répondent au adieux en agitant les bras, les casquettes ou les bérets.
Franchit le bout rond de la jetée sud, le remorqueur largue l’aussière de remorque et fait un demi-tour devant le voilier et en le rasant donne trois coup de corne pour le saluer et retourne au port pour un autre remorquage. Le voilier prend son allure et le capitaine va le dégager de l’axe du chenal et aller se mettre bout au vent pour envoyer la brigantine et le reste de la voilure.